Inas Chanti : En lice pour les césars 2019…..
Farouche, rebelle, romantique et franche, Inas Chanti surfe avec sincérité sur le succès du film : “A Genoux les gars ” présenté au Festival de Cannes dans la catégorie Un Certain Regard. Son talent la positionne déjà pour les césars espoir 2018. Rencontre avec une jeune actrice étonnée par son succès et qui risque d’en étonner aussi plus d’un par son talent dans les mois et années à venir….
Être un pré-nominée pour un César, quel effet cela fait-il ?
Inas Chanti: Je ne m’y attendais pas du tout et encore aujourd’hui, j’ai du mal à prendre conscience que je suis dans les révélations des Césars. Seize actrices et seize acteurs. Nous avons tourné un clip, il y a eu un dîner organisé avec nos parrains et marraines.Seuls cinq dans chaque catégorie seront retenus et même si ce n’est pas moi, je serais ravie d’avoir été pré-nominée et surtout avec Souad (Arsane, sa partenaire dans le film).
Ce film a bouleversé pas mal de codes. Quelle a été la réaction la plus étonnante dans votre entourage ?
Inas Chanti: J’ai une amie qui en sortant de la projection m’a dit : « J’ai l’impression de te voir et du coup je me demande si tu ne nous mens pas depuis le début et que c’est avec nous que tu joues la comédie ? ». Ce fut un très beau compliment !
Est-ce que selon vous, ce film peut aider à briser quelques tabous ?
Inas Chanti: Nous avons fait des projections devant des classes de lycée. Et la scène du viol a permis des discussions différentes, des échanges ou tous prenaient la parole mais en s’écoutant mutuellement. Après ce débat, j’ai reçu desmessages de jeunes qui m’ont avoué que cela leur avait permis d’échanger sur un sujet grave et deremettre en question pas mal de préjugés.
Est-ce que certaines scènes ont été coupées au montage ?
Inas Chanti: Nous avons tourné 400 pages de scénario en 18 jours, ce qui est beaucoup. Souad et moi, nous sommes co-scénaristes des dialogues et nous avions beaucoup de matière. Finalement nous avons fait une web-série qui a débuté une semaine après la sortie du film le 20 juin dernier avec un épisode par semaine qui dure entre cinq et quinze minutes. Trente-trois épisodes en tout qui sont diffusés sur YouTube. Nous avons obtenu un prix au Festival de Marseille pour la meilleure série!
Quel a été dans votre existence le déclic qui vous a permis de camper un personnage de cette trempe ?
Inas Chanti: J’avoue que je suis d’ordinaire déjà un peu décalée. J’ai parfois un humour second degré qui ne passe pas forcément toujours très bien. Avant ce film, nous avions faitun court-métrage : « Haramiste » avec la même équipe. Noussommes allés faire des débats durant une année pour présenter ce film et c’est là que je me suis rendu compte que j’avais une véritable opinion à défendre. Souad et moi avons écrit les dialogues donc toutes les idées diffusées dans ces films sont les nôtres. Nous les revendiquons et les défendons puisqu’elles nous ressemblent !
En faisant la promotion de ce film, vous disiez qu’une seconde révolution sexuelle serait la bienvenue ?
Inas Chanti: Je pense surtout qu’ilserait nécessaire de palier à certains tabous. Ce sont ses tabous qui mènent aux violences. Beaucoupde filles à cause de cela n’osent pas se confier lorsqu’il leur arrive un problème de peur d’être blâmées. D’autre part c’est valable pour les garçons, certains n’ont même pas conscience de ce qu’ils font. Il y a une scène capitale dans laquelle l’un des protagonistes dit ne pas avoir violer qui que ce soit car il ne l’a pas frappée !Donc un dialogue un peu plus franc et rentre-dedans serait nécessaire.
Est-ce que ce film a changé votre rapport avec les garçons ou même vos amitiés ?
Inas Chanti: Non car j’ai rencontré mon copain bien avant que le film ne sorte…Et puis j’ai toujours peur que tout s’arrête : Cannes, les Césars…Je suistoujours inquiète. Et mes amis restent mes amis !
Quel a été l’accueil du milieu du cinéma par rapport à votre démarche pour le moins inattendue ?
Inas Chanti: Nous avons été sélectionnés pour le festival de Cannes donc cefut une belle marque de reconnaissance. Je trouve donc que nous sommes très bien accueillis par le cinéma français, on se sent vraiment encouragés.
Est-ce que vous aimeriez que le film voyage ?
Inas Chanti: Il a déjà été présenté en Tunisie et aussi en Suisse et au Canada.
D’où êtes-vous originaire ?
Inas Chanti: J’ai grandi à Evry et je vis maintenant à Longjumeau .
Est-ce qu’il n’est pas difficile de véhiculer un film comme celui-ci dans ces villes ?
Inas Chanti :Oui et non, je n’aime pas que l’on puisse penser que c’est simplement dans ces banlieues que ces problèmes se produisent plus qu’ailleurs. Ce n’est pas le cas, cela peut arriver n’importer où et pas seulement dans ces banlieues. L’affaire Weinstein en est bien la preuve !Il ne venait pas d’une banlieue parisienne !
Quelles sont vos origines ?
Inas Chanti: Mon père est français et ma mère algérienne.
Comment vivez-vous cette mixité ?
Inas Chanti: C’est fluide. Beaucoup de gens qui sont mixtes revendiquent leurs origines mais en cequi me concerne, j’ai été élevée dans la culture française. Cela me gêne parfois que l’on me présente comme une magrébine alors que je n’ai pas vraiment d’autre attache que la France. Je me sens plus française qu’autre chose….
Quel acteur admirez-vous le plus ?
Inas Chanti: Jim Carrey . Depuis que je suis enfant, il y a un film que j’adore,c’est : ” The Mask ” !
Ce métier vous passionne mais avez-vous un autre talent ?
Inas Chanti: Je fais des études de droit. Si le cinéma ne marche pas jedeviendrais avocate ou juriste mais c’est le cinéma qui me passionne plus que tout.
Interview : FRANCK RAGAINE
Photo: Aymee Nakasato