Sylvie Vartan : Je veux que mes adieux sur scène soient à la hauteur de tout cet amour que le public m’a offert »
Sylvie Vartan : Je veux que mes adieux sur scène soient à la hauteur de tout cet amour que le public m’a offert »
Sa carrière est unique tant par son succès que par sa longévité. Si elle a su se réinventer mille fois , elle est aussi toujours restée sincère et authentique à la ville comme à la scène. Sylvie Vartan est la chanteuse française de tous les records : 40 millions de disques et Cd vendus , elle a chanté en neuf langues, 2500 concerts à travers le monde pour 10 millions de tickets vendus (un record pour une interprète française), 2200 unes de magazines (autre record devant Brigitte Bardot et Catherine Deneuve). Véritable légende en France mais aussi en Italie, au Japon, au Canada,en Amérique du Sud… Elle a rempli des salles entières aux USA (Las Vegas, Atlantic City, Los Angeles…), des stades entiers au Brésil, en Argentine et a été classée deux fois dans les charts américains ! Icône de la mode, elle a été l’égérie d’Yves Saint Laurent, de Dior… Cet été elle a même généré 90 millions de vues sur Tik Tok avec sa chanson « La Maritza » reprise par tous les jeunes du monde entier des USA jusqu’en Asie !Un parcours qui ne l’a pas empêché de fonder une famille et un clan soudé. C’est donc en reine qu’elle fait ses adieux à la scène dans ses deux palais (des Sports et des Congrès). Un spectacle construit comme une comédie musicale avec six moments magiques du mythe Vartan.
L’occasion pour nous d’évoquer avec elle cet amour pour la scène mais aussi Tony, Johnny, David, Darina…Un parcours de petite immigrée bulgare arrivée des Balkans devenue star qui a su garder ses valeurs et une élégance qui sied si bien à son existence à la fois rouge et or. Forte et fragile ,elle s’est accoutumée à ce paradoxe qui a donné un sens singulier à sa vie. Aussi au Palais des Congrès en janvier, elle va être une dernière fois pour le public la plus belle pour aller danser….
Vous dites ne pas aimer le mot fin, pourtant vous faites vos adieux à la scène. Cela va être émouvant, déchirant de quitter votre public ?
S.V. L’idée se profile en moi depuis longtemps. Les années passent et refaire un grand spectacle qui serait un récapitulatif des grands moments que j’ai partagé avec mon public en France et de par le monde est une idée qui me tenait à cœur. Il y a une question de respect aussi. Le fait que beaucoup de gens ,d’artistes soient partis ces derniers temps, m’a beaucoup affectée. Je réalise que ma vie est derrière moi et pas devant. Depuis mes débuts, j’ai eu des rendez-vous sur scène avec des nouveaux spectacles tous les deux ans que j’ai joué à travers le monde. C’est vertigineux, sans arrêter, sans faiblir. Mentalement j’ai besoin de prendre de la distance. Les années passant, on ne rajeunit pas forcément il y a eu des exemples de gens qui ont eu des problèmes de santé et comme je suis assez hypocondriaque cela m’a aussi conduit à me dire que je devais faire ce dernier grand spectacle maintenant. Ces six soirées vont être éprouvantes émotionnellement. Mais je dois respecter mon public, je souhaite finir avec une image qui soit digne de ce métier, d’eux, de leur confiance. Et puis il faut que je fasse un peu attention à moi, aux miens parce que j’ai une famille !
Vous avez dû vous remettre à la danse pour la première fois depuis vingt ans. Est-ce que cela fut un défi facile à relever ?
S.V. :Pendant des années je n’ai pas arrêté de faire des grands spectacles avec des profusions de lumières, de costumes, de chorégraphies, c’était vertigineux avec beaucoup de monde sur scène. A la longue j’ai eu envie de casser ce rythme même si ces spectacles ont marché merveilleusement à ma plus grande joie. Par la suite, j’ai donc souhaité faire des spectacles plus intimistes. Mais pour celui-ci qui est le dernier, j’ai eu envie de retourner à mes premières amours avec des danseurs mais pas de manière aussi fracassante que par le passé ! Je ne peux pas faire ce que je faisais à vingt ou quarante ans, c’est impossible. Donc je danse dans ce spectacle mais différemment. C’est Redha qui est mon chorégraphe ,il a dansé sur scène avec moi lors de spectacles au Palais des Sports (1981) puis à Las Vegas, à Atlantic City…Nous sommes très proches, il a sa propre inspiration par rapport à moi et inversement. Il est venu cet été aux Etats-Unis et nous avons beaucoup travaillé On se retrouve dans une certaine sobriété mais aussi dans la qualité. Il faut garder un côté mesuré en accord avec l’âge que l’on a.
Quel est le ballet que vous avez eu le plus de plaisir à danser et à retrouver ?
S.V. :Je ne voulais pas refaire la même chose mais plutôt concurrencer ce que j’ai déjà fait. Évidemment j’adore refaire « La drôle de fin » qui est traitée différemment malgré tout. Je ne peux plus être projetée de toute ma hauteur à plat dans les bras de quatre danseurs !Mais la couleur est ressemblante et fidèle au style de cette chorégraphie qui a été l’une des plus importantes dans mes shows. Je suis très heureuse des chorégraphies que Redha a créées et qui comblent mon attente tant par la modernité que par l’originalité. Et la troupe des danseurs est formidable.
Quelle est la trame de ce spectacle ?
S.V :Il y a six soirées pour six moments magiques. Le spectacle est construit comme une comédie musicale avec des films qui ont marqué ma carrière, témoignant de ce que j’ai partagé avec tous ceux qui ont travaillé avec moi. Et aussi toutes ces chansons qui sont restées dans le cœur des gens et dans le mien bien sûr. C’est un privilège d’avoir chanté aussi longtemps même si cela m’a paru être un songe. C’est une grande émotion de se retrouver dans ces deux palais et je suis contente de pouvoir finir cela au Palais des Congrès car c’est là que j’ai commencé à toucher du cœur , des doigts, du corps mon métier.
Il y a forcément un moment consacré à Johnny dans le show ?
S.V. :Johnny ce fut le premier moment magique de toute façon. C’était au commencement. Nous avons tellement partagé notre jeunesse, notre violence, notre passion. Ça été très fort, très inspirant. On aimait, on ressentait les mêmes choses. Nous étions semblables, très indépendants aussi donc nous étions vraiment faits l’un pour l’autre au départ. Et puis nos routes se sont séparées et avec le temps qui passe, les expériences, les changements… Mais les premières années furent violentes et flamboyantes.
Est-ce que le Palais des Congrès sera vraiment la dernière des dernières ou on peut espérer un jour vous revoir à l’Olympia ?
S.V. :Non, cela sera la dernière vraiment. Ce n’est pas dans mes prévisions. Le Dôme devait être les dernières représentations mais cela a été complet très vite. Je ne pouvais pas laisser le public comme cela, ceux qui n’avaient pas eu de place.. Donc c’est là-bas que je terminerai.
Quel est de votre côté, le concert d’adieu auquel vous avez assisté qui vous a le plus marqué ?
S.V. :Je n’aime pas les concerts d’adieu , c’est pour cela que j’ai choisi un titre un peu plus doux : « je tire ma révérence » et qui peut être prometteur d’autres choses mais pas sur scène obligatoirement. Il est certain qu’en 2009 lorsque nous avons chanté avec Johnny à l’Olympia ensemble, j’avais des moments de doute en me disant peut-être que c’est la dernière fois….et ce le fut !
Vous vivez un moment magique en vous produisant sur scène une dernière fois et pourtant le monde est chaotique. Arrivez-vous à vous couper de la réalité pour vous concentrer ou bien ces évènements vous affectent ?
S.V. :On ne peut pas complètement se couper mais ce rendez-vous sur scène est très prenant. Faire de la scène guéri de tout sur le moment : de la mélancolie, du désespoir mais juste momentanément évidemment. C’est extraordinaire et réparateur. C’est pour cela que lorsqu’on souffre et que l’on entre en scène , c’est comme un miracle, il se passe quelque chose de magique : la musique, le public en amour, c’est très touchant. C’est un coup d’accélérateur. Mais le monde actuel est chaotique, inquiétant, violent. Être sur scène est comme un soleil en cette période difficile partout dans le monde.
Vous avez vécu toute votre vie dans la lumière. Quel métier auriez-vous aimé faire si vous étiez « restée » dans l’ombre ?
S.V. :Je ne savais pas que l’on accédait à tant de lumière en faisant ce métier. Elle était accessoire mais en fait elle est venue brutalement, de façon fulgurante. Je ne m’y attendais pas . Par contre j’avais compris toute petite qu’être artiste, faire de la scène, c’était ça la rédemption, d’être heureux, d’avoir plusieurs vies, de pouvoir s’oublier, de faire tomber tous les a priori les tabous, les maux. Mais si j’avais dû faire autre chose , je pense que j’aurais aimé avoir le talent d’écrire….Oui, être écrivain m’aurait beaucoup plu.C’est très difficile de répondre à cela car j’ai toujours vécu pour ce métier uniquement.
Existe-t-il un moment dans votre carrière ou il y a eu un déclic ou vous avez pu faire en quelque sorte la paix avec cette notoriété qui a été souvent envahissante et qui a perduré tout au long de votre vie ?
S.V. :Oui à un moment donné j’ai réussi à faire la part des choses puisque cela m’a accompagné depuis le départ quasiment. J’ai toujours eu besoin de mouvement mais aussi de solitude, je suis assez contrastée. Je recherche la solitude, j’en ai besoin. Cela fait 65 ans que je suis pressée par le temps, les horaires. Ma tranquillité m’est précieuse entre deux rendez-vous scéniques, discographiques. Mais j’avoue que j’avais aussi besoin de cette folie . Là il va y avoir un renouveau mais je ne sais pas lequel ? De toute façon lorsqu’ ‘on prend une décision drastique, c’est toujours aigre-doux. Mais j’ai tout fait avec beaucoup de liberté et de bonheur et j’ai une immense gratitude vis-à-vis de mon public. Cela a été un parcours extraordinaire.
David disait récemment : « on me parle toujours de la carrière de mon père mais celle de ma mère est tout aussi incroyable » . Vous êtes la chanteuse française qui, tous supports confondus, ventes de disques , tickets de concerts et de unes magazines, a été la plus prolifique et pourtant vous ne semblez pas porter un intérêt particulier à tous ces chiffres, toutes ces prouesses ?
S.V. :J’ai le record des mariages, une fois presque vingt ans et l’autre fois quarante …surtout dans ce métier ! (rires) Je n’ai jamais fait mon métier en termes de chiffres, de calculs c’est vrai. J’avais dix huit ans lorsqu’un artiste m’avait dit que je ferais une longue carrière. Et je me disais : en tout cas je ne chanterai jamais jusqu’à 80 ans ! Et j’y suis et je me dis ce n’est pas possible, comment tout cela est arrivé…
Et Tony, votre époux , qui est le concepteur de vos spectacles, lui va-t-il vous laisser raccrocher parce qu’il vous accompagne aussi artistiquement depuis longtemps ?
S.V. :Tony, il se fatigue à force de s’inquiéter pour moi. Je sais ce que cela veut dire car lorsqu’on aime quelqu’un qui va sur scène face au public et de quelque manière que ce soit : chanter, danser, jouer…on a un trac fou pour l’autre. C’est encore plus difficile je crois. Moi j’avais très peur lorsque Johnny chantait. Lorsque l’on connaît les gens très bien, on devine le moindre soubresaut, le moindre tremblement, la moindre hésitation s’il y en a. En même temps on devine quand il se surpasse. Tony je lui dois énormément, c’est lui mon inspiration.Il m’a toujours donné l’envie de continuer . Tony c’est mon tout, ma force, ma moitié, mon âme sœur. Il a construit ce dernier spectacle avec une telle passion, il me connaît par cœur. En même temps, il n’est pas complaisant, et j’ai besoin de cela, de répondant, de vérité. C’est un être fort et généreux. Ce n’est pas facile d’être le mari de et surtout d’arriver après Johnny Hallyday ! D’ailleurs Tony et Johnny s’entendaient très bien. Tony considérait Johnny comme son petit frère. Johnny venait souvent passer de longues après-midi chez nous à Los Angeles et nous nous entendions très bien tous les trois…
Avez-vous du beaucoup sacrifier votre vie de femme pour pouvoir faire cette carrière exceptionnelle ?
S.V. :Je n’ai pas l’impression d’avoir sacrifié l’essentiel. J’étais extrêmement bien entourée. Ma priorité était mes parents, mes enfants, ma famille. Mes parents je les appelais tous les jours a n’importe quel endroit du monde ou j’étais et c’était une galère car à l’époque , il n’y avait pas de téléphone portable ! Et ensuite quand David est né, j’étais là dans les moments importants et le plus souvent possible. Et ma mère s’en occupait si bien. Elle avait une rigueur, une éducation et elle était tendre, des yeux doux pour son petit-fils qu’elle adorait. Elle était juste et aimante. Et je dois aussi beaucoup à mon frère qui veillait sur moi et qui m’a tout appris d’une certaine manière sans que je m’en rende compte. Il m’a fait lire des livres qui n’étaient pas de mon âge, il m’a fait découvrir la musique… Tous étaient là à mes côtés.
A la radio, a la tv , on entend toujours les dix mêmes tubes certains magnifique et dans l’inconscient collectif comme : « La Maritza », « La Plus belle pour aller danser »…et d’autres chansons plus festives comme ; »L’amour c’est comme une cigarette ». N’est ce pas frustrant que des beaux textes comme : Aimer, Parle-moi de ta vie… ne soient pas plus connus du grand public ?
S.V. :En fait, la plupart de ma carrière, je l’ai faite sur scène et j’ai travaillé avec de merveilleux auteurs . Aussi lorsque je me sentais un peu frustrée, j’avais la possibilité de choisir des textes et des chansons qui me ressemblaient et que je pouvais chanter sur scène. J’ai eu la chance de pouvoir interpréter ces textes auxquels je tenais et qui ne passaient pas forcément à la radio, dans mes concerts donc !
Vous avez des enfants, petits-enfants et même un arrière-petit-fils. Etes-vous amusée, attendrie du regard qu’ils ont sur Sylvie Vartan le personnage, l’artiste ?
S.V. : A vrai dire nous en parlons rarement, cela fait partie de leur quotidien. Mes filles font attention à mes robes, elles sont très exigeantes, elles ont leurs goûts, elles aiment mes costumes c’est vrai. Elles étaient très impatientes de connaître le nom du couturier qui a créé mes nouvelles tenues de scène. Elles ont eu l’air ravies que ce soit Stéphane Rolland.
Quelle est la chanson du dernier CD de David , des reprises de Johnny et qui cartonne qui vous a le plus touchée ?
« Requiem pour un fou », c’est vraiment une chanson extraordinaire, une chanson que j’ai aimée par Johnny aussi. David et moi, nous avons les mêmes goûts. Toutes les chansons qu’il a reprises sont formidables, interprétées à sa façon et elles ont toute une raison d’être.
Si vous deviez choisir une ou des chansons qui symbolisent le mieux la femme que vous êtes et l’héritage que vous souhaitez laisser…
S.V. :Ce serait : »Il y a deux filles en moi », « Forte et Fragile » . « Sensible », “Mon enfance” et de nombreuses autres…
Franck Ragaine
Le Livre :Dans ce livre Benoît Cachin (aux éditions Gründ) retrace avec brio la carrière scénique de Sylvie. « Je donnais parfait trois concerts par jour dans des stades en Amérique du Sud. Idem à l’Olympia , il m’est arrivé de chanter trois séances à l’Olympia par jour aussi. Je me souvenais à peine d’avoir donné aussi un concert devant 200 000 personnes à Los Angeles (en 1980) pour le bicentenaire de la ville. Et aussi à Manaus au cœur de l’Amazonie dans un superbe opéra ! Lorsque je regarde dans le rétroviseur, je me dis mais comment je faisais pour tenir. Je comprends maintenant pourquoi on m’appelait Terremoto en Italie (le tremblement de terre) (rires)
Le FILM :« Ma Mère, Dieu et Sylvie Vartan » (sortie du film de Ken Scott en mars 2025) : ” Le tournage s’est passé le plus naturellement possible car je joue mon propre rôle. Le film est très réussi car fidèle à l’histoire très émouvante et aussi drôle de Roland (Perez). C’est une histoire magnifique positive avec un portrait de femme extraordinaire qui est la maman de Roland jouée par Leila Bekhti une excellente comédienne et aussi Jonathan Cohen dans le rôle de Roland et qui est formidable .